[Attention, cette nouvelle n'est recommandé que pour les personnes ayant plus d'un certain âge, car certains éléments peuvent offenser l'image bien-pensante et "normale" du monde.] Par contre plus sérieusement, si vous avez moins de dix ans, ne lisez pas ce qui suit.
Je ne sais pas si cette nouvelle est acceptable dans ces temps où les clowns méchants se multiplient dans les rues et font un mal psychologique à beaucoup de personnes. Le gore tout comme la passivité a toujours amené des personnes à faire des choses 'iraisonnées'. Je pars du principe que les monstres peuvent se cacher parmi chacun de nous et qu'il ne faut pas dramatiser à l'excès la violence générée par la sortie d'un film (Anabelle par exemple) ou les pitreries d'enfants encore en processus d'apprentissage de la vie (collège bien souvent). J'ai décidé de prendre le thème de 'peur' et de 'collégien' et de les pousser à l'extrême pour écrire une histoire 'enfantine' et 'gore'.
Je vous propose un challenge : il faut que vous retrouviez la contrainte que je me suis imposée pour écrire ce récit. N'hésitez pas à proposer vos réponses, résultat demain (le gagnant se verra attribué l'honneur de pouvoir me faire découvrir ce qu'il désire (ce qui est toujours possible à tout instant, mais là il y sera particulièrement invité) et recevra une nouvelle que j'ai écrite il y a longtemps et qui me plaît bien. N'hésitez pas à me donner un avis, quelqu'il soit (j'apprends de mes erreurs).
Je vous souhaite une bonne lecture ! Et de bons cauchemars si vous lisez cela la nuit.
Il faut trancher
Lana adorait égorger les moutons. Evidemment, leur tête en plastique qui gisait plus loin n'avait rien d'une vraie : ses petits yeux ternes ne reflétaient en rien la douceur des pupilles du vrai animal. Mais qu'importe, tant qu'elle pouvait se défouler librement et détacher en pièces (davantage qu'il n'y en avait de réellement conçues par le fabricant) toute sa collection de jouets. Elle pensait parfois que ''les grands'' n'avaient pas de cœur envers l'environnement qui les entourait. Comment se permettaient-ils de chasser de toutes mignonnes coccinelles sous le prétexte qu'elle pullulaient devant leur porte ? Il n'y a de la place que pour l'humain sur cette planète, mais quel humain ? Lana n'était pas encore parvenue à répondre à cette question.
Elle se saisit d'un couteau de cuisine et découpa le pain. Elle s'octroyait le droit de cette action, pourtant considérée comme très dangereuse par le commun des mortels. Et ce, car, sa maman détenait cette capacité à être incohérente dans ses pensées : elle l'interdisait l'usage de tout élément coupant, mais succombait à chaque fois à la surprise de ne plus avoir à faire cette tâche et laissait ainsi, impunément, Lana. Son papa, qui était encore en vie seulement pour quelques jours dans notre histoire, mais qui ne connaissait pas jusqu'alors son futur tragique événement, se tenait écarté de toutes les discussions houleuses qui pouvaient se produire au sein de l'enceinte familiale. Les tensions, il en avait déjà suffisamment à créer dans son travail d'électrotechnicien.
Lana ne savait pas encore prononcer électrotechnicien. Pourtant, il le fallait; le lendemain elle devrait présenter sa famille devant la classe. Si bien qu'elle révisa la nuit entière pour s'exprimer en ces termes :
-Ma maman est coiffeuse et mon papa est...est..lec...que...tro...t'es que...nicien.
C'était le graphisme mnémotechnique -mot qu'elle ne savait pas non plus prononcer- qu'elle avait utilisé. Face à son public impressionné par ses belles paroles, elle vit son ambition grimper de plusieurs crans; elle souhaitait désormais pouvoir prononcer parfaitement tous les mots du dictionnaire !
Maman rentra tard ce soir-là. Ce soir était le soir qui allait précéder la mort de papa. Une pluie tonitruante avait bien aspergé toutes ses ''fringues'' -elle commençait à causer bien étrangement pour son âge- et l'avait rafraîchie, si bien que Lana attendit quelques minutes avant de sauter sur elle et l'embrasser. Papa était plongé dans des dizaines de câbles qui s'étendaient derrière le meuble de la télévision. Celle-ci ne marchait pas; le repas de ce soir-là s'annonçait bien singulier. Lana souffla de soulagement. Enfin ! Papa pourrait peut être nous raconter comment il a connu maman, nous détailler des anecdotes de ces dures journées de labeur, nous conter mille péripéties qui l'ont conduit jusque-là et qu'il nous cachait jusqu'alors sous prétexte qu'il écoutait le journal télévisé. Une fois les informations passées, il regardait brièvement des débats. Il aimait écouter papa, pas parler.
-Maman, quelle est ta couleur préférée ?
Lana était comme cela; elle aimait bien poser des questions polémiques.
-Le bleu, pourquoi ?
''Je le savais que maman me mentait'', se dit-elle. ''Peut-être n'a-t-elle pas conscience des distorsions de sa mémoire ?'' Elle était versatile. Lana était toute fière de revisualiser dans sa tête ce mot et de l'avoir posé au contexte. Quelle sensation de bonheur que cela procurait de mettre en relation deux choses ! C'était une romantique Lana, elle souhaitait unir tout, tout réunir. Et à côté de cela elle désunissait sans cesse les jouets mis à sa disposition dans sa chambre. ''Comment fait-on pour avoir un avis tranché sur une question ?'', se demanda-t-elle.
-Allez Basil, prouve-nous que tu as un intérêt dans ce décor sinistre.
Lana était à couteaux tirés avec Basil. Depuis son arrivée dans son espace de jeu, il n'avait causé -elle se délectait de maîtriser le concept de polysémie- que des ennuis. D'abord, Basil avait décidé derechef de se nommer chef des armées de pigeons d'élite. Ensuite, il avait attaqué sans l'accord préalable de Lana, les territoires des communautés entières de vaches indiennes et de moutons mal rasés, et ce, pour y implanter un terrain de golf. De fil en aiguille, il est allé jusqu'à s'octroyer le pouvoir de commandement sur la ville adjacente qui n'était ni plus ni moins la plus dotée en or du farwest. Tout allait dégénérer si Lana n'intervenait pas à temps. Heureusement, les miettes de pain qui étaient restées sur la table de la salle à manger pouvaient encore faire basculer le commando de pigeons d'élite dans son camp. Tout n'était pas perdu.
-Ma chérie, il est temps d'aller se coucher. Demain est un grand jour.
Elle faisait une réflexion : ''les grands ont cette manie d’apposer un adjectif incompatible avec le nom qui l'accompagne. Comment peut-on avoir ''une petite journée'' ou ''un grand jour'' si les 1440 minutes journalières s'écroulaient invariablement de la même manière ?''. Son cerveau ennuyé par de telles pensées la faisait mettre en veille assez rapidement et ses parents ne s'en plaignait pas.
Le jour suivant a été effectivement ''grand''. Lana a découvert à l'école l'existence de dinosaures imprononçables ! Dans la cour, elle s'est amusée comme une folle en faisant des pirouettes sur l'herbe et en sacrant les magnolias comme les plus belles fleurs existantes de l'univers. Hélas, les avoir sacrées, elles ont été ''massacrées'' par des ballons de football envoyés à répétition sur leurs beaux pétales. Après la cour, les cours et après les cours, faire la cour en jouant sur les cours de tennis.
De retour à la maison, une annonce allait changer le courant de la soirée [information inutile puisque vous étiez déjà au courant qu'une mort allait avoir lieue, mais nécessaire quand on sait qu'il s'agit d'une panne d'électricité à l'entreprise de maman]. Ayant oublié quelques affaires dans son cabinet de coiffure, dont elle tenait les clefs car elle était la plus ponctuelle d'entre toute l'équipe, elle proposa à papa de passer voir si ses compétences pouvaient faire autant de miracles qu'elles ne le faisaient au lit. Lana n'avait pas très bien compris la comparaison, mais avait néanmoins compris d'ores et déjà qu'elle serait embarquée dans ce contretemps qui allait l'empêcher de faire ses devoirs. ''Quel dommage !'' se dit-elle, mi-cynique, mi-sérieuse.
-Enlève ton casque de vélo, cela ne te sera pas nécessaire pour prendre la route.
''Les grands ont cette manière de s'approprier les constructions dont ils ne sont pas propriétaires et d'ainsi bloquer le partage qui pouvait exister.'' Décidée à ne pas céder et affronter son père pour ne pas devenir un mouton de Panurge, elle s'obstina à garder le casque sur sa tête (qui n'était pas blonde, ni petite, contrairement à ce que les grands peuvent tous dire). Celui-ci allait lui être salvateur.
Tandis qu'ils sortirent de la voiture, une pluie de hallebardes s'abattit sur eux. Maman, sortie en éclaireuse, parvint la première à la porte et se réfugia à l'intérieur. Papa et moi tentâmes de la rejoindre, n'ayant plus la possibilité de rouvrir les portières de la voiture dans un délai suffisamment court pour ne pas trop se recevoir d'objets coupants dans des parties vitales de notre corps. Un horrible cri mit en tension mes tympans. Papa me lançait des instructions que je ne comprenais plus. Je redoublai d'effort tout en calculant la trajectoire des engins qui s'élançaient à la vitesse d'un boomerang dans notre direction. J'avais lâché papa depuis un moment déjà, et une peur commençait à me tirailler. Un terrible choc fit résonner ma tête. Maman me prit les mains et me fit monter les marches tout en me protégeant de tout projectile. Papa arriva plusieurs dizaines de secondes plus tard, le mollet en charpie. Une hallebarde s'était plantée dans sa chair. L'os n'était pas atteint. Après un long moment de douleur, il reprit ses esprits et son naturel joyeux, entrepreneur.
-Bon, où est-ce que se trouvent les câbles ?
J'allais en péter un moi, si on ne m'expliquait pas dans l'instant pourquoi nous n'appelions pas les secours.
-Tu veux faire courir le risque à d'autres personnes de connaître la même douleur que papa, seulement pour sauver ta peau ?
La peau de papa, elle, n'allait pas être sauve. Pas pour longtemps en tout cas. Puisque c'est celui-ci qui se chargea d'appeler les services compétents pour nous sauver. Et lorsqu'on lui dit que l'opération allait lui coûter la peau des fesses, et les yeux de la tête... il n'en revenait pas. Mais plus tard, ce fut ce qui allait lui arrivé. Il commis l'irréparable mépris de couper le mauvais fil qui passait sous le haut de son postérieur, malheureusement assez dénudé pour qu'on en voit trop et qu'il fût électrocuté. Ce mot elle savait le prononcer désormais. Elle pourrait le dire en classe de français. Ou peut être pas. Se posait en elle désormais la question de savoir si tous les mots doivent être dits. L'horrible accident eut une avancée en dents de scie. Après l'électrocution, le corps de papa se relâcha totalement et instantanément sur une plaque d'aiguilles -servant pour l'acupuncture- hissées vers le haut. Ses deux yeux furent transpercés.
Elle était brave Lana, mais là, cela dépassait ses capacités de stoicisme qu'elle avait développées en réaction au surjeu de la société face à des problèmes bénins. Les yeux emplis de tristesse, le corps tremblant, elle faisait les cent pas. Elle en fit même quatre cents. Et là ce posa la question fatidique : en français, devrait-elle exposer les faits dans les détails les plus affreux ou devrait-elle taire la vérité pour complaire l'innocence des autres ''têtes blondes'' ? Sur cette question, il fallait désormais trancher.