Cette écriture que j'ai adopté ce soir est assez étrange, je le confesse. Elle ne semble pas m'appartenir, et pourtant... On retrouve par instants une patte "bien à moi", mais pas un style véritablement identique à un quelconque travail précédent. C'est à la fois réjouissant (car on explore de nouvelles facettes), mais c'est également perturbant (qu'est-ce qui m'arrive ? vais-je retrouver mon "ancienne" écriture ?).
Je me suis étonnamment mélangé dans la conception de ma chute finale. J'arrive plutôt bien à les tourner d'habitude, mais là, c'est un fiasco total. Seule la thématique m'a fait opter pour cet espace-temps fictionnel qui me paraissait intéressant de prime abord. Bon j'arrête de m'éterniser sur ce que j'ai fait et vous laisse juger par vous-même et me dire ce que vous ressentez (dans les commentaires) à la lecture de cette mini-nouvelle !
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Un banc de bambin
Trois petits coups et la porte s'ouvrit violemment. Trois, comme l'âge qu'elle possédait désormais. Comme le nombre de bougies qu'elle avait soufflées la nuit passée, lorsque sa maman lui avait tendu allègrement le gâteau et avait émis, par la suite, un cri strident lorsqu'elle vit sa fille utiliser -non sans maîtrise- ses poumons pour éteindre les flammes qui consumaient les mèches. Trois, comme le nombre de cochons qui étaient également associés au qualificatif ''petit'', comme les coups qu'elle avait porté sur le bois qui cachait la chambre dite ''de papa et maman''. Si elle ne se considérait pas petite; elle admettait volontiers à quiconque le prétendait, qu'elle avait un caractère de cochon. Enfin, ceci n'a absolument rien à voir et n'apporte aucun indice nécessaire à la compréhension de l'histoire qui suit. Reprenons.
Sa maman avait ouvert avec violence la porte qui la séparait de sa famille. Et en ce moment, la voir lui paraissait horrible : elle ne savait pas quoi penser de tous ces phénomènes «anormaux» qu'elle constatait chez elle depuis quelques temps. Sa progression fulgurante dans divers domaines aurait pourtant due lui mettre la puce à l'oreille beaucoup plus tôt : elle savait faire des roulades après douze mois seulement, les effectuait en finissant par un grand écart, puis le tout en arrière l'année suivante; et enfin, adoptait une technique de course digne de l'agilité d'un adulte, sans en posséder encore, toutefois, la vitesse. Ni l'enlèvement des petites roues de son vélo à ses deux ans, ni l'écoute de sons parfaitement discernés provenant de sa bouche, à ce même âge, ne l'avaient interpellée. En fait, elle avait admis que les enfants sont de vrais cascadeurs en lisant tout type de magazine et en n'exerçant sa jugeote que lorsque celui-ci venait à critiquer une série télé qu'elle adorait. Les habilités extrêmes de sa fille l'avaient toujours étonnée, mais elles rentraient toujours dans le cadre de cette période où les enfants se permettent tout et ont cette capacité à être téméraires quand des adultes auraient reculé et réfléchi plutôt deux fois qu'une sur n'importe quelle ambition.
La maman qu'on appellera Annie, car le narrateur ne lui a pas prévu de prénom en particulier, était peu courageuse. Son caractère à fleur de peau l'avait fait rentrer dans un doute existentiel. C'est pour cela que la porte s'ouvrit avec cette violence précédemment évoquée. Loin d'être effrayée, Nina -qui pour le coup avait un prénom prédéfini par la maman pour qui le narrateur n'avait pas de prénom- s'avança sans crainte vers le lit d'Annie. Nina était le prénom que sa maman lui avait attribué, tout à fait par hasard, et par chance penserait-elle si elle possédait la sagacité qu'elle acquerrait certainement dans les deux prochaines années. Nina se demandait si Nino lui aurait convenu dans le cas où elle serait née avec un entrejambe plus ''garni''. Outre son apparence simpliste, ce prénom résonnait bien et laissait présager un aspect coquet que l'enfant ne possédait absolument pas.
Lorsque Nina eût atteint la couverture, elle la plia, puis la souleva sous l’œil effaré de sa maman qui restait bouche bée. Une fois descendu les escaliers, puis passé dans le jardin avec cette grosse touffe de poils assez lourde, elle s'allongea sur le banc en plastique qui s'étalait sous un grillage de plantes grimpantes. Nina se couvrit.
Pour la première fois, Nina passerait sa nuit dehors. Puisqu'elle constatait chaque jour l'impuissance de sa maman à lui fournir une éducation correcte et empreinte de décisions concrètes, elle avait décidé de devenir indépendante. Elle élabora une petite pancarte sur laquelle elle inscrivit ''A votre bonne volonté... donnez-moi de l'argent sans compter''. Elle s'imagina le temps de quelques rêves présidente de la République, nommée plus grande dirigeante ou encore primée par un Oscar. D'ailleurs, elle se voyait bien mariée à un Oscar. Le prénom, pas la statuette... enfin, la personne derrière le prénom, pas le prénom lui-même. Au secours ! Oscar !
Les poils hérissés, les lèvres gelées, elle rentra au bon matin, défaite de ses illusions. Elle avait appris que pour mener à bien ses projets, elle devait compter sur les appuis de sa maman, car Nina recevait davantage de ses initiatives qu'elle ne le pensait : un amour inconditionnel, un toit, des plats préparés avec goût, une liberté dans l'expression personnelle. C'est celle-ci que Nina devait contenir un peu. Se contenter de ce que sa maman lui offrait était grandement suffisant pour s'exprimer. Il fallait préparer l'avenir tranquillement. Même si c'était une petite créature impressionnante par ses qualités, Nina, comme toute héroïne aurait des complications à affronter pour acquérir un statut de personnage à part entière dans l'histoire de l'humanité. A l'instant où j'écris ces lignes, Nina désirait seulement manger sa tartine de beurre et regarder des dessins animés. Préservons nos enfants de l'obsolescence, sans cesse accentuée au fil des ans, de la ''jeunesse'', de cette période de construction et d'amusement, de plaisir et d'apprentissage.